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Langage
et sexisme
De plus
en plus, la discrimination sexiste est nommée, reconnue
et parfois combattue dans certains domaines (économique,
social). Dans celui du langage, beaucoup se penchent sur le problème
du genre de la langue (dominée par le genre masculin)
et souhaitent la féminisation. Le débat est loin
d'être terminé, parce qu'il fait également
appel à des pratiques langagières.
Ces pratiques
trouvent leurs racines dans des préjugés sexistes.
«Les progrès sont lents, les racines des préjugés
sont profondes», disait Voltaire. Pour un petit garçon,
grandir dans un pays où les petites filles ne vont pas
à l'école (parce qu'elles n'y ont pas le droit)
peut le laisser développer le préjugé que
les filles n'ont pas la capacité intellectuelle d'apprendre.
De même, grandir dans un pays où «10 000 femmes
et un cochon sont dehors, ILS sont heureux» ne prédispose
pas à reconnaitre une égalité entre genres,
donc rapidement entre sexes.
Le sexisme
dans le langage
Pour la linguiste
Marina Yaguello : «La langue est un système symbolique
engagé dans les rapports sociaux. () La langue est aussi,
dans une large mesure un miroir culturel qui fixe les représentations
symboliques et se fait l'écho des préjugés
et des stéréotypes, en même temps qu'il alimente
et entretient ceux-ci.» Trois cas de sexisme dans la langage
:
Qui parle
?
Le langage, la possibilité de s'exprimer nous met en position
de pouvoir. Pour assurer celui-ci, il est essentiel de le garder,
de contrôler la parole des autres.
Dans de nombreuses
cultures, les femmes n'ont même pas le droit à la
parole. Dans les sociétés occidentales, les femmes
ont pris une place, notamment socio-économique, dans la
société qui les amènent de plus en plus
à prendre la parole en dehors de la sphère privée.
Pourtant, de nombreuses observations scientifiques montrent que
les hommes coupent beaucoup plus la parole que les femmes et
monopolisent le discours. La parole prise, ou donnée,
n'est pas forcément écoutée, ni prise en
compte : discours d'une femme terminée par un quolibet
; dernière phrase de femme reprononcée par un homme
avant qu'il n'entame son propre discours
Comment
parle-t-on ?
Les hommes et les femmes utilisent un langage différent.
Par exemple, les femmes sont nettement plus enclines à
utiliser et à préférer un langage de prestige,
plus correct, que les hommes. Il existe principalement deux explications
à ce phénomène : un désir d'ascension
sociale de la part des femmes qui prennent la parole comme forme
d'action, afin d'accéder à l'égalité,
voire au pouvoir ; et, selon le préjugé «les
hommes sont jugés sur ce qu'ils font, les femmes sur leur
paraitre», les femmes seraient plus sensibles au prestige
langagier. On peut dire plutôt que les femmes sont plus
«légalistes», car plus souvent soumises aux
règles, et les hommes plus en rapport de compétition
: le verbe devient force physique.
Le langage
ne se résume pas à des mots, un style. C'est aussi
un langage corporel, des intonations de voix, un débit.
La différence physique donne aux hommes une voix plus
forte, plus grave. Cet état de fait peut-être utilisé
pour couper la parole des femmes, par exemple. On a observé
que celles-ci ont un débit plus rapide que les hommes
parce qu'elles sont peur d'être coupées ?
, ce qui incite plus difficilement à l'écoute
attentive.
Que dit-on
?
Enfin, quels sont les mots à notre disposition pour parler.
Quelle est la part de sexisme dans notre vocabulaire ? Les écrits
à ce propos sont de plus en plus nombreux. Marina Yaguello
est une des premières auteures françaises à
s'être penchée sur la question. À partir
d'une étude sur la définition du mot «femme»
dans différents dictionnaires, elle établit un
corpus de mots d'où il ressort deux grands champs lexicaux
: celui de la mère et celui de la prostituée. De
même, le langage qui désigne les femmes utilise
beaucoup la métonymie (un tout réduit à
une partie) : en l'occurrence, une femme est réduite à
un cul, un con ou une viande ; mais aussi les métaphores
animales ou alimentaires : cochonne, poule, chou. On retrouve
le préjugé : «les femmes sont à vendre,
ou à prendre». Elles ne sont ni à vendre,
ni à prendre.
Pistes
de réflexion
Pour que
les femmes accèdent enfin à un traitement égalitaire,
de nombreux domaines de la vie privée, sociale, économique
et politique sont à reconsidérer sous un angle
non-sexiste. Le langage couvre tous ces domaines, c'est pourquoi
il représente un enjeu considérable ; c'est pourquoi,
il n'est pas superflu d'engager un débat sur la révision
non sexiste du vocabulaire et de la grammaire. La lutte pour
l'égalité est aussi une lutte contre la langue
du mépris.
Il est donc
nécessaire de se pencher sur les préjugés
sexistes, de les cerner, de les expliquer et de tenter de les
démonter. Car, si attitudes et comportements positifs
peuvent s'entendre au sens individuel, ils peuvent aussi être
partagés par tous les membres du groupe, de même
que les préjugés et les comportements discriminatoires.
Il nous faut surveiller, dénoncer et combattre ces préjugés,
mais aussi que chacune et chacun se juge aussi soi-même
et entende son propre discours.
Annie LAMOUREUX
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