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Education
et conditionnement
patriarcal
Le patriarcat
est un système universel, omniprésent depuis des
millénaires. Pourquoi une telle pérennité
? Tout simplement parce que le patriarcat est avant tout un conditionnement.
Les religions,
ont bien entendu, un rôle essentiel dans ce formatage des
consciences. Elles sont le premier pilier du patriarcat, ainsi
l'interdit sexuel et l'infidélité sont toujours
plus grave pour une femme. L'idée force des religions
c'est que la femme est impure par essence, dans de très
nombreuses religions le sang menstruel est le symbole même
de leur souillure. Dans les religions polythéistes les
divinités féminines ont été reléguées
au second plan, dans les religions monothéistes Dieu est
mâle ; il s'agit bien de Dieu le père, archétype
de l'autorité et du pouvoir
C'est en
nous imposant ce genre d'images que le patriarcat nous conditionne,
nous avons tous intériorisé ce qu'une femme doit
être et ce qu'un homme doit être. Le système
patriarcal s'insinue jusque dans l'inconscient collectif féminin
et masculin et détermine jusqu'à nos comportements
les plus courants et les plus intimes.
L'éducation
est la base du conditionnement patriarcal : ce sont les jouets
genrés par exemple. Les petites filles reçoivent
des poupées et des balais pour se préparer à
leur future condition de mère et de ménagère,
les petits garçons reçoivent des pistolets afin
de mieux intégrer que l'agressivité est un trait
de caractère noble et viril. Pire encore, les jouets qui
stimulent les apprentissages intellectuels (Légo, Mécano)
sont plus souvent offerts aux petits garçons. Plus tard,
à l'école, on fera faire du foot aux petits garçons,
pour leur apprendre la compétitivité, de la gymnastique
aux petites filles pour qu'elle deviennent gracieuses.
Il est évident
que les éducateurs (même s'il s'agit le plus souvent
d'éducatrices) n'attendent pas les mêmes performances
physiques des garçons que des filles, et de fait n'ayant
pas les mêmes exigences, leur développement moteur
est différent. Il en est de même pour les performances
intellectuelles : il a été montré que les
enseignants (hommes ou femmes) donnaient plus souvent la parole
aux garçons. Ceux-ci sont par conséquent plus stimulés.
Ce phénomène apparaît dès l'école
maternelle et devient de plus en plus criant au fil de l'avancée
dans le parcours scolaire. Les bacs dévalorisés
(tel l'ancien bac G) sont pour les filles, les filières
scientifiques l'apanage des garçons. De même il
y a plus de garçons que de filles qui font des études
longues. Bien évidemment, les filles n'ont pas moins de
capacités intellectuelles que les garçons (la bosse
des maths n'est pas dans le chromosome Y) ; mais les filles comme
les enseignant(e)s ont intégré l'équation
: «fille = nulle en maths», ainsi quand les difficultés
apparaissent, moins d'efforts sont déployés pour
les dépasser. C'est de cette manière que l'on rend
vrais les présupposés. C'est la même logique
qui est en uvre quand on dit que les filles ont plus de maturité.
C'est parce qu'on les a éduquées différemment
: les filles font l'apprentissage de la responsabilité
plus tôt, qu'il s'agisse de tâches ménagères,
ou de veiller sur les plus petits. Cette éducation genrée
a des conséquences profondes sur le développement
des individus. On a montré qu'en dehors de toute considération
d'origine sociale, les adolescentes ont une moins bonne estime
d'elles-mêmes que les adolescents. Ceci perdure à
l'âge adulte, ce qui explique que les femmes entreprennent
moins.
Dès
l'enfance la petite fille se doit de correspondre à un
certain nombre de normes comportementales et physiques : sa poupée
Barbie est à l'image de ce à quoi elle devra ressembler
quand elle sera grande. Ces normes sont extrêmement contraignantes
et complètement en dehors de la réalité
(pour exemple le canon de la mannequin qui mesure 1m 80 pour
55 kilos). Elles peuvent conduire à des maladies mentales
comme l'anorexie (maladie exclusivement féminine occidentale
et contemporaine), qui est bien entendu liée au culte
de la maigreur et du «corps parfait» si répandu
dans les médias. Les femmes ont tellement intériorisé
cette nécessité de correspondre à une multitude
de normes, qu'elles en arrivent à accepter de subir ou
de s'auto-infliger des souffrances corporelles. Ainsi, nombre
de femmes africaines ont parfaitement intégré la
nécessité de l'excision pour elles comme pour leurs
filles ; toutes proportions gardées la logique est la
même quand une femme s'épile à la cire bouillante,
elle obéit à deux postulats indéracinables
:
1 - il faut souffrir pour être belle ;
2 - le poil n'est pas féminin (mais pourquoi serait-il
masculin puisqu'il pousse chez les deux sexes ?). Il en est de
même pour les régimes tyranniques complètement
déséquilibrés et totalement injustifiés
(le régime est d'abord un acte médical quand le
poids devient un problème de santé).
Nous participons
tous, homme ou femme, à la perpétuation du patriarcat
car nous l'avons intériorisé. Ce conditionnement
est constamment renforcé par ce que nous vivons, lisons,
voyons Cela nous porte, même inconsciemment, à reproduire
des comportements sexistes. C'est à nous tous, hommes
et femmes, d'en prendre conscience pour briser cette spirale
infernale.
Anne
TURLURE
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