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Sans-Papières
ou comment
justifier le non droit des femmes
Les sans-papières
incarnent le symbole de la précarité la plus totale.
Elles subissent une oppression en tant que femmes, en tant qu'immigrées
et en tant que sans-papiers.
Les femmes immigrées, souvent réduites à
leur condition de mère, d'épouse ou de fille au
regard de la loi, ne peuvent faire valoir aucun droit en tant
qu'individues. Ce «statut légal» les assujettit
dans tous les domaines de leur existence, aussi bien dans l'espace
public que dans le cadre privé.
Ainsi, lorsqu'une
immigrée change de statut juridique (par exemple quand
elle atteint l'âge de la majorité ou bien si elle
divorce), elle perd ses droits à la régularisation.
Elle ne bénéficie donc pas des mêmes droits
que les hommes face à la législation. Dans la même
logique, lorsqu'une femme fuit son pays d'origine parce qu'elle
y est menacée ou victime de violences patriarcales (mariage
forcé, répression de son orientation sexuelle si
elle est lesbienne, atteinte à son intégrité...)
et qu'elle demande l'asile politique en France, elle a peu de
chance de l'obtenir. En effet, les persécutions sexistes
et lesbophobes et les violences sexuelles ne sont toujours pas
prises en considération pour l'obtention du statut de
réfugié.
Lorsque l'administration
retire aux femmes immigrées leur titre de séjour
ou refuse de régulariser leur situation, elle les oblige
donc, en les renvoyant dans la clandestinité, à
subir, en silence, les violences faites aux femmes. Car cela
signifie pour elles l'absence totale de droits : droit de
disposer de son corps, droit à l'éducation, à
la formation, à la santé, à la contraception,
à l'avortement, au logement, au travail ou à un
revenu minimum...
Obligées
de se cacher, elles deviennent les premières cibles du
capitalisme puisqu'elles sont contraintes au travail au noir
sans aucune garantie : des «petits boulots» du style
ménages ou gardes d'enfants jusqu'à la prostitution.
Elles subissent aussi en première ligne le poids des violences
patriarcales puisqu'elles ne peuvent se rebeller, ni même
tenter de le faire. En effet, comment se protéger des
violences conjugales ? Vers qui se tourner lorsqu'on est victime
d'un viol ? L'exemple récent de KC, sans-papière
de Toulouse le montre assez bien : victime d'un viol, elle décide,
avec le soutien de quelques personnes, de porter plainte au commissariat
: la seule réponse a été de la retenir en
garde à vue. Ça ne rigole pas au pays des droits
de... l'homme ! Combien d'autres dans ce cas ?
Les immigrées,
les femmes sans-papiers semblent autant, si ce n'est plus, victimes
du sexisme que du racisme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard
si elles subissent plus que les hommes les lois sur l'immigration.
C'est parce
que ces lois sont non seulement empreintes de xénophobie
mais aussi et bien évidemment de sexisme ; parce que nos
États, soi-disant justes, laïques et égalitaires
sont encore bien ancrés dans le système patriarcal
; et parce qu'à l'heure où nos dirigeants se gargarisent
d'adopter la parité en politique, nous sommes quand même
toujours prêts à justifier que plus de la moitié
de la population mondiale soit maintenue, d'une manière
ou d'une autre dans un état de servitude !
Malgré
(et aussi contre) le poids de l'oppression, des réseaux
de femmes sans-papiers se constituent pour leur autonomie juridique
et travaillent en collaboration avec des associations qui luttent
pour le respect des droits pour les femmes.
Rappelons
d'ailleurs que dans la lutte longue et difficile des sans-papier-e-s
sortis de l'ombre depuis 1996, les femmes ont pris une part importante.
De plus en plus, elles tentent de s'affirmer en tant que femme
et de peser sur les prises de décisions collectives.
Des papiers
pour toutes !
Anne
SORTINO
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